L'ophtalmologie dans l'Égypte Ancienne

Introduction

Avant d'étudier dans le détail les connaissances oculaires des égyptiens, il nous semble nécessaire de situer rapidement l'état de leur médecine, ainsi que quelques légendes.Dès l'antiquité classique la réputation de la médecine égyptienne était bien établie. HOMERE dans l'Odyssée écrivait"En Egypte, les médecins l'emportent en habileté sur les autres hommes". HÉRODOTE, dans ses "Histoires" rédigea en 450 avant JC un témoignage sur la médecine égyptienne :"En Egypte, chaque médecin ne soigne qu'une maladie. Aussi sont-ils légions ; il y en a pour les yeux, d'autres pour la tête, les dents, le ventre et même pour les maladies non localisées".Peut-être à cause du climat, peut-être à cause de l'hygiène, moins rudimentaire que chez les autres peuples, HÉRODOTE constatait dans ses écrits que la population égyptienne était la mieux portante qu'il eut jamais vue.Les oculistes jouissaient d'une très grande réputation, même hors des frontières de l'Egypte. La preuve nous en est fournie par la démarche faite par CYRUS, roi des Perses, auprès d'AMAZIS, roi d'Egypte. HÉRODOTE, encore, nous raconte en effet que CYRUS demanda à AMAZIS de lui envoyer le médecin oculiste le plus habile de son royaume (9), (32), (38).Dans l'ancienne égypte, jalouse gardienne de la tradition, les médecins étaient prêtres, comme les prophètes, les hiérogrammates et les astrologues. Ils occupaient une place très importante dans la hiérarchie ecclésiastique. La pratique médicale se transmettait du père au fils, qui le remplaçait après sa mort, dans ses fonctions.Il n'existait pas à proprement parler d'écoles de médecine, mais dans certains établissements, appelés "maisons de vie" le jeune praticien pouvait compléter l'enseignement paternel par la fréquentation de savants médecins, de directeurs d'ateliers, où des scribes s'affairaient à composer ou à recopier des écrits consacrés à la médecine. De ces ateliers sortiront les Papyrus médicaux.Un document qui remonte à la Basse Epoque apporte des précisions sur l'origine, le développement et l'enseignement de la médecine égyptienne. Vers 500 av. J.C., après que DARIUS 1er eut annexé l'Egypte à l'empire perse, le médecin chef UZAHOR-RESINET relate " Sa Majesté le Roi Darius qui règne en Elam sur tous les pays et sur l'Egypte m'a envoyé à Sajs.Il m'a chargé de réorganiser les maisons de la vie qui étaient tombées en décadence. Je les ai emplies d'étudiants appartenant aux milieux riches et cultivés (...). (38).Cependant deux villes étaient des pôles d'attraction : HELIOPOLIS connue pour être le siège de la plus fameuse faculté de médecine du pays et THEBES où l'on pratiquait la chirurgie.Comme les médecins de MOLIERE, les médecins égyptiens s'attachaient aveuglement aux opinions de leurs anciens, sûrement par vénération excessive du passé.

Diodore de Cicile écrivait à leurs propos :
"Ils établissent le traitement des malades d'après des préceptes écrits, rigides et transmis par un grand nombre d'anciens médecins célèbres. Si, en suivant les préceptes du livre sacré, ils ne parviennent pas à sauver le malade, ils sont déclarés innoncents et exempts de tout reproche. Si ils agissent contrairement aux préceptes écrits, ils peuvent être accusés et condamnés à mort ; le législateur ayant pensé que peu de gens trouveraient une méthode curative meilleure que celle observée depuis si longtemps et établie par les meilleurs hommes de l'art."

Dès le III ème millénaire avant J.C. (1ère dynastie MENES), des textes mentionnent les soins donnés aux yeux, mêlés de pratiques magiques. Thot , à tête d'ibis, dieu de la science et de la médecine est l'ancêtre des ophtalmologistes, puisque d'après la mythologie il aurait remis en place l'oeil d'Horus arraché lors de son combat contre Seth, dieu du Mal, et déclare "Je suis Thot, le médecin de l'œil d'Horus". (9)L'oeil d'Horus entier, (celui-ci étant souvent représenté par un homme à tête de faucon) - appelé OUDJAT (oeil sain) combine l'oeil humain : iris, pupille, sourcil, avec les marques colorées qui encadrent l'oeil d'un faucon. L'oeil d'Horus éclaté symbolise des fractions mathématiques destinées à compter les céréales : 1/2, l/4,...l/64.

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figure 1: Le monte-charge archaïque

Prises à part, chacune des parties de cet oeil magique désigne donc des fractions, retrouvées isolées dans de nombreux Papyrus.Ce symbole par exemple équivalait à 1/2 etc... Or le total de ces fractions donne 63/64 et l'on suppose que le 1/64 manquant pour parfaire l'unité fut fourni magiquement par Thot, lorsqu'il réussit à retrouver et à rassembler l'oeil arraché pour le rendre à son propriétaire (37).Un autre dieu Amon est appelé "Le médecin qui guérit l'œil sans médicament, qui ouvre les yeux et les redresse ".Diodore de Sicile mentionne le pouvoir thérapeutique de la déesse Isis qui guérissait les aveugles (39).Enfin l'histoire suivante, qui met en scène plusieurs divinités du panthéon égyptien pourrait tout aussi bien se passer dans le cabinet de consultation d'un ophtalmologiste contemporain:"Le .dieu Ra vérifie l'acuité visuelle du dieu Horus. Ra place Horus blessé à l'oeil, devant un mur couvert d'un enduit clair, sur lequel sont peints un petit trait noir et un gros porc de la même couleur. Horus ferme son oeil sain, Ra l'invite à regarder le trait et lui demande s'il le voit. Horus ne le voyant pas, Ra dirige alors son regard vers le porc. Horus l'aperçoit et Ra en conclut qu'il a conservé une vision suffisante ". (38) Désigné sous le nom d' Oudjat, l'oeil était considéré comme porte-bonheur et figurait sur de très nombreuses peintures ou amulettes à titre prophylactique ; il symbolisait l'invulnérabilité et la fertilité.IMHOTEP, que les médecins de l'école alexandrine confondaient avec Esculape et que les Egyptiens avaient déifié, comme dieu de la médecine, fut un personnage réel, qui vécut au début de la III ème dynastie sous le pharaon ZOSER. C'était un architecte génial et un médecin de premier plan, car les livres de médecine dont se servaient les anciens égyptiens lui sont attribués (9), (38). IMHOTEP signifie "qui donne satisfaction" ou bien "celui qui vient en paix".En 1921 Sir W. OSLER, l'un des pionniers de la médecine anglo-américaine s'intéressa à ce personnage et écrivit " il était la première figure de médecin sortant des brumes de la protohistoire "(34).

Sources

Nous connaissons l'ophtalmologie égyptienne grâce à diverses sources : les auteurs anciens, les monuments avec leurs peintures et bas-reliefs, les objets découverts dans les tombes, les momies, mais surtout grâce aux Papyrus médicaux.Des fouilles pratiquées, en 1926, par l'allemand H.JUNKER (38) dans les nécropoles qui entourent les Pyramides de GIZEH ont mis à jour des monuments funéraires mentionnant des oculistes. Il s'agit d'une part d'une statue funéraire d'un médecin oculiste de la cour du pharaon de la VIè dynastie d'autre part d'une stèle funéraire, datant de la même période, sous PEPI 1er. Cette stèle est en forme de porte et un homme y est représenté tantôt assis, tantôt marchant. On y trouve cette inscription dédicatoire :"PEPJ-ANKH-JRJ, directeur et doyen des médecins royaux, ophtalmologiste royal, directeur des maladies intestinales, chef des magiciens et savants" (9) (39).Autre traduction :"Médecin des yeux du palais; médecin du corps; gardien de l'orifice intestinal, royal; celui qui prépare le bon; celui qui maîtrise les scorpions" (34).On connait par cette inscription le nom du plus ancien ophtalmologiste qui exerçait il y a 4600 ans environ et cette stèle confirme les dires d'HERODOTE concernant la spécialisation médicale depuis les époques les plus reculées.D'après Flavius CLEMENS, qui en 200 de notre ère fonda une secte chrétienne à Alexandrie, les prêtres égyptiens auraient condensé au début de l'Ancien Empire, dans quarante deux livres, la somme des connaissances médicales; et six livres contenaient ce qu'on savait en matière d'anatomie, de physiologie, de pharmacopée, de chirurgie et de gynécologie. D'autres auteurs confirment que les égyptiens auraient résumé leur science dans six livres sacrés, appelés les livres d'Hermès, connus de Galien et perdus depuis (32).Les plus anciens Papyrus médicaux qui nous sont parvenus remontent au Moyen Empire, mais ce sont presque tous des copies de livres beaucoup plus anciens, qui nous donnent l'état de la médecine sous l'Ancien Empire. L'en-tête de plusieurs Papyrus les attribuent à une époque beaucoup plus reculée et presque légendaire, contemporaire d'Imhotep, ou même fabuleuse le dieu TH0T en aurait dicté le texte.Tous ces Papyrus médicaux sont écrits en hiératique (du grec hiératicos sacerdotal, hiéros=sacré), et nous allons les énumérer par leur ordre d'ancienneté.

I) les Papyrus de KAHUN (28)

ils datent de la XIIè dynastie. Reproduisant des traités plus anciens, ils contiennent en particulier, un traité de gynécologie dont la première observation traite d'une affection oculaire en rapport avec une affection gynécologique (cf citation plus loin).

II) Le Papyrus d'EDWIN-SMITH

trouvé à Thebes en 1862Il est conservé à la bibliothèque historique de New-York. Traduit par BREASTED, qui l'a publié en 1930 (3). On y trouve mentionné des symptomes ou des complications oculaires de traumatismes craniens. Sa rédaction parait dater de l'Ancien Empire et sa copie a été écrite à la fin XII dynastie (1780 av. J.C.). Il est remarquable par son absence de toute magie ; seuls les faits et les conséquences sont notés.

III) Le Papyrus EBERS (12) (13)

acheté à Louqsor, 1'ancienne Thebes, par l'allemand Georg Ebers en 1873, à un Arabe qui l'aurait trouvé en 1862 entre les jambes d'une momie parfaitement conservée (38). Il a été traduit et publié en 1874 par cet égyptologue ; il est actuellement conservé à la bibliothèque universitaire de Leipzig. Il est intitulé "Ici commence le livre relatif à la préparation des médicaments pour toutes les parties du corps".Il ne contient que peu de renseignements cliniques, car seul le nom de la maladie est mentionné, suivi de la prescription thérapeutique ou magique. A la fin du manuscrit se trouvent deux petits traités de style ancien consacrés à l'anatomie et à la physiologie de l'appareil circulatoire. Le Papyrus date du début de la XVIIIè dynastie (1500 av.J.C.). Mais il n'est que la copie de documents beaucoup plus anciens. En tête d'un des chapitres on lit qu'il a été trouvé sous les pieds du Dieu Anubis à Sekken et apporté à sa Majesté le roi HOUSAPHAIT (Ière dynastie).Les médecins voulaient ainsi appuyer leur science sur l'autorité divine.

IV) Le Papyrus de LONDRES (41)

Il date de la XXème dynastie (vers 1100 av. j.C.) et contient surtout des formules magiques dont plusieurs sont destinées à aider l'efficacité de médications oculaires.

V) Le Papyrus Copte de CHASSINAT

C'est le dernier Papyrus médical connu, traduit en 1921 par Chassinat (6); il a été écrit au IXè siècle après J.C.. Ce document relativement récent reproduit des prescriptions s'appliquant aux affections oculaires datant de l'Ancien Empire,transmises de générations en générations sans changement. Il est précieux pour comprendre certains passages difficiles des Papyrus médicaux classiques.

Nous voyons ici que c'est seulement vers 1875 que les égyptologues purent se rendre compte directement de ce qu'était la médecine égyptienne, grâce aux traductions et publications des Papyrus médicaux.

Physiologie

Les Egyptiens avaient pris conscience de l'existence du coeur et de sa fonction qui consistait à irriguer toutes les parties du corps et du rôle que jouaient les "vaisseaux et les canaux" qui, partant du coeur, aboutissaient aux membres et aux organes. C'est sur cette connaissance confirmée par l'expérience qu'ils édifièrent leur physiologie, autrement dit la science des fonctions de la vie.

Influencés par la ressemblance entre le sytème sanguin et le Nil, artère vitale d'où divergeaient des canaux qui répartissaient l'eau nécessaire à l'irrigation des champs et des cultures, les prêtres et les médecins égyptiens imaginèrent, comme principe de leur physiologie, un réseau analogue d'artères et de vaisseaux. Partant du coeur les "metu" (canaux) irriguaient toutes les parties de l'organisme.De même que l'absence de crue, une inondation trop abondante ou trop faible du Nil, ou le colmatage des canaux d'irrigation compromettaient l'existence de l'Egypte, de même le mauvais fonctionnement des "canaux" mettait en danger le coprs humain dont l'équilibre physiologique était, de ce fait, perturbé.

Les dépôts de sang et de mucus étaient cause de maladie ainsi que les accumulations d'excréments qui risquaient, par l'intermédiaire de canaux, de refluer vers les membres et même de remonter jusqu'au coeur. Les "metu" assuraient aussi l'acheminenent des "vehedu", éléments pathogènes et facteurs de douleurs qui étaient la cause de fièvres malignes et des inflammations.Ils s'introduisaient dans l'organisme en se glissant par le nez et par les oreilles. Nous verrons un exemple pratique de ces communications dans le chapitre des thérapeutiques médicales.

Nous trouvons dans le Papyrus Ebers la description suivante du système circulatoire dont un passage concerne la circulation de l'oeil.

"Commencement du secret du médecin; connaissance de la marche du coeur (physiologie) et connaissance du coeur (anatomie). Il y a dans le coeur des vaisseaux de tous les membres: tout médecin, tout exorciseur, tout charmeur qui met le doigt sur la tête, la nuque, les mains, sur la région du coeur, sur les deux bras, sur les jambes, il tombe sur le coeur car les vaisseaux du coeur sont de tous les membres ... (la relation des pulsations des artères avec les battements cardiaques est nettement établie par ce passage).

"Il y a quatre vaisseaux dans l'intérieur des tempes (intracrâniens) qui fournissent le sang aux deux yeux, et ensuite fournissent toutes les humeurs des deux yeux, celles qui lubrifient les deux yeux (littéralement celles qui sont d'ouvrir les deux yeux); s'il découle des larmes des deux yeux, c'est la prunelle des deux yeux qui les donne (autre traduction, ce sont les ronds, c'est à dire la cornée et l'iris, qui font cela) ....Les orifices qu'il y a dans le nez sont deux vaisseaux qui conduisent à la cavité de l'oeil". Ebers numéro 854.

Dans une autre partie du Papyrus Ebers on trouve une description de la circulation oculaire assez voisine:

"L'homme, il y a en lui 12 vaisseaux de son coeur qui vont à tous ses membres ...Si son cou souffre et que les deux yeux se voilent, ceux-là ce sont les vaisseaux du cou qui ont pris la maladie ...Il y a deux vaisseaux en lui pour le front, il y a deux vaisseaux pour l'oeil, il y a deux vaisseaux pour les sourcils."

On voit par ces textes que la circulation du globe et des annexes était relativement bien connue et que les Egyptiens établissaient une relation entre des troubles circulatoires et des troubles visuels.Quant à l'origine des larmes, les glandes n'étant pas connues, leur sécrétion était attribuée à la pupille et à l'iris.

Enfin, on peut remarquer qu'ilsconnaissaient les rapports entre les cavités nasales et l'orbite.

Anatomie

Les Egyptiens connaissaient la prunelle, la sclérotique, et, bien entendu, les paupières, les cils, les sourcils ; ils ignoraient presque tout de la structure interne de l'oeil ; ils n ont soupçonné semble-t-il l'existence ni du corps vitré, ni de la rétine et du nerf optique.

Et pourtant, ils ont soigné un certain nombre de maladies que, malgré la rareté des termes anatomiques, l'absence de tout diagnostic, on arrive à identifier avec plus ou moins de sureté.Le blanc de l'oeil était appelé sclérotique ; l'iris était observé et certains textes indiquent que cet examen permettait de découvrir le sexe du foetus.

Les paupières sont appelées le "dos de l'oeil".La pupille était nommée "hoot amt irit" qui se traduit par "la jeune fille (qui) est dans l'oeil" et qui correspond au mot pupille, dérivé de pupilla (poupée), et du grec XOPE (jeune fille). Peut-être ce fait est dû à l'image des personnes se reflétant sur la cornée au niveau du fond noir de la pupille (10).

Connaissances cliniques

Dans la plupart des cas les Egyptiens ne considéraient que le symptôme.L'atteinte oculaire constituait une maladie distincte sans relation avec les affections générales et l'on ne s'occupait que de la thérapeutique symptomatique.

C'est dans les textes de Papyrus les plus anciens (kahoum, smith) que nous trouvons des descriptions d'affections oculaires, soit rattachées à des maladies générales, soit complications ou symptômes de fractures du crâne.

"Remède pour la femme qui souffre des yeux presque à n'en voir et resentir des douleurs dans le cou. Dis à cela: ce sont des sécrétions de la vulve qui affectent les yeux.Fais lui pour cela une fumigation d'encens et d'huile fraîche et fumigue lui la vulve avec ; fumigues lui les yeux avec des pattes de guépier, puis tu lui feras manger le foie cru d'un âne." Papyrus kahoum- Traité de gynécologie.Tome 8 p412.

On peut trouver dans cette observation les signes d'une conjonctivite gonococcique ou d'un iritis gonococcique (8) (9). L'auteur Egyptien avait bien rattaché à son étiologie l'affection oculaire, et si la thérapeutique peut paraitre bizarre,il n'en reste pas moins que tout en traitant les complications, il insiste sur la thérapeutique étiologique qui vise à la suppression des sécrétions vulvaires.

Autre exemple

"Instructions concernant une perforation de la tempe"/

Examen :

"Si tu dois examiner un homme ayant une perforation de la région temporale avec une plaie ouverte de dehors en dedans, tu dois inspecter sa blessure et dire : regarde les deux épaules. Si ce mouvement est très douloureux, même s'il peut tourner très légèrement sa nuque, tandisque l'oeil du côté blessé présente une hémorragie, tu dois dire le concernant:

Diagnostic

"Il a une perforation de la région temporale, il souffre de la raideur de la nuque, c'est un mal que je peux traiter."

Traitement

"Tu dois le mettre au repos complet jusqu'à guérison complète de la plaie. Tu dois le soigner avec des pansements de charpie, de graisse et de miel tous les jours jusqu'à la guérison."

Glose A

Si les deux yeux ont des hémorragies, cela veut dire que la couleur des yeux est rouge comme la couleur de la fleur "Shs"Dans le traité de ce qui regarde l'embaumeur, il est dit à ce sujet: les deux yeux sont rouges et malades comme un oeil dont la vue est prêt de disparaitre."

Cette observation est intéressante ; on peut y constater que le médecin egyptien avait déjà reconnu l'importance de l'hémorragie sous-conjonctivale (9) dans les fractures du crâne comme signe de certitude et comme symptôme de localisation. Dans sa glose le médecin qui recopiait ce traité insiste sur l'aspect des deux yeux en se référant à l'autorité d'un autre ouvrage. Papyrus SMith Cas 19 (VII, 14-15).

De ce qu'il nous reste des termes de pathologie oculaire, nous pouvons envisager leurs connaissances cliniques. Ici le Papyrus Ebers est intéressant à étudier, car s'il ne décrit pas les affections, il en nomme un grand nombre et nous permet de connaître la thérapeutique de l'Egypte Antique. Il a été difficile d'identifier les maladies, ainsi que les ingrédients entrant dans les formules pharmaceutiques ; Ebers en collaboration avec les docteurs Schmidt et Schneider a cru pouvoir identifier une vingtaine d'affections oculaires dans le Papyrus.

La blépharite ciliaire "tm Ra rd tmsmirit", mirit désignant le mot "oeil" en égyptien) dont la traduction est "quelqutun dont les yeux ont des paupières qui ne peuvent plus produire de cils". (Ebers, LXII,14)

Certains auteurs ont cru reconnaîltre dans cette affection le trichiasis.Le chalazion ou l'orgelet sont désignés sous le nom de "pdsit m meriti".La conjonctivite avec chémosis, l'inflammation conjonctivale caractérisée par la simple rougeur des yeux, l'hémorragie sous conjonctivale donnent lieu naturellement à un grand nombre de prescriptions.Il semble bien qu'il faille reconnaitre dans la maladie nommée "Hétaê" les granulations trachomateuses, (dans le Papyrus Ebers). Certains auteurs considèrent l'Egypte comme le berceau du trachome, dautres au contraire, pensent que le trachome n'y est devenu endémique qu'au XVè siècle après J.C.Le leucome est appelé "sh t'nou merati". Les taies de la cornée dont était peut-être atteint l'oeil gauche de Nefertiti est bien décrit sous ce terme là.

Citons encore le larmoiement, le ptérygion, le xanthélasma.

Enfin, le strabisme ou bien l'asthénopie accomodative qui se traduit littéralement par "la fatigue de l'oeil qui se refuse à regarder".

Il semble que l'amblyopie crépusculaire, fréquente dans les populations mal nourries ou carencées, ait déjà été reconnue.

Nous terminons ce châpitre des connaissances cliniques par la cataracte.Les Egyptiens avaient-ils identifié la cataracte ?Les auteurs qui ont étudié le Papyrus Ebers ne sont pas d'accord entre eux. Pour Luring et Hirschberg (19) cela serait une inflammation de l'oeil et pour Ebers et ses collaborateurs, ainsi que les auteurs actuels, dont Dc DOLLFUS (9), il s'agit de cataracte.

Quatre formules de collyres sont donc consacrées au traitement d'une affection désignée sous le nom de "ahtmt mu meriti", périphrase, qui se traduit par "suspension ou montée d'eau dans les yeux". (Ebers Lx, 14 et 17).

A noter que chez les égyptiens l'eau monte et pour nous elle descend (en cataractes).

Pharmacopée

Dès 800 av. JC, dans l'odyssée, HOMERE vantait la richesse en plantes médicales de l'Egypte ; certaines entraient dans la composition de remèdes salutaires, d'autres au contraire, étaient utilisées comme poisons :

Une des conséquences les plus spectaculaires de la révélation du Papyrus Ebers fut de donner une idée de la variété de la pharmacopée égyptienne ; ce Papyrus indiquait à lui seul, la composition de 900 remèdes.Certains collyres ayant laissé des traces dans les flacons, on a pu les analyser. Tous les règnes étaient utilisés:Dans le règne minéral nous trouvons le sulfate de cuivre, l'oxyde de cuivre et de fer, les sels de plomb, le sel marin, la poudre de lapislazuli, l'antimoine, le chrysocole , le sulfure d'arsenic.

Les substances du règne animal sont surtout des excipients, graisse de porc ou d'oie, miel, lait ; mais aussi le foie, la bile, la cervelle et le sang d'animaux divers, ainsi que des excréments et de l'urine.Mais la plupartdes collyres sont à base de végétaux. On peut citer le safran, la rose, la myrrhe, la gomme d'acacia, le sycomore, l'aloès, le mélilot, la farine de coloquinte , les feuilles de ricin, le lotus, l'extrait de lys, l'écaille d'ébène, le suc de pavot, l'huile de baumier, la résine et l'encens, etc...

Voici d'après le Papyrus Ebers N° 339 une manière de les administrer :"Ingrédients à mettre dans de l'eau; leur faire passer la nuit à la rosée, les filtrer; puis les appliquer en compresses sur l'oeil pendant quatre jours. Autre manière de s'en servir: tu l'instilleras (ce collyre) au moyen d'une plume de vautour".

texte tiré du site http://www.snof.org/histoire/egypte1.html

Conseil de lecture